lundi 15 juillet 2013

RÉFLEXIONS SUR LES HOMÉLIES AUX FUNÉRAILLES


par le père Robert D. Smith





            Un des problèmes que rencontre le prêtre dans la société séculière d’aujourd’hui, c’est l’homélie qu’il doit prononcer à l’occasion des funérailles.  L’Église catholique interdit les panégyriques à cette occasion et recommande aux prêtres une homélie sur l’espérance chrétienne.  (À la mort du Saint-Père lui-même, aucun Cardinal n’est censé se lever pour faire le panégyrique du Pape pendant la cérémonie religieuse.)  Une homélie sur l’espérance n’est pas un panégyrique déguisé au cours duquel le prêtre redit continuellement sa conviction que la personne décédée est à présent obligatoirement au Paradis.  C’est plutôt une homélie qui exprime l’idée chrétienne que nous devons tous subir un Jugement après la mort, en espérant qu’il nous sera favorable, et non, conformément à l’idée moderniste, que nous échappons tous au Jugement pour entrer directement au Ciel, ipso facto.

            Dans la société séculière et pharisaïque d’aujourd’hui, toute homélie est dangereuse qui ne canonise pas les défunts en répondant aux attentes les plus optimistes, et elle doit être prononcée avec le plus grand soin.  Un ami prêtre m’a récemment demandé de lui envoyer l’homélie que j’ai donnée à des funérailles.  La voici :

            L’Église catholique a pour les funérailles une règle qui peut paraître étrange et peu naturelle : il ne doit pas y avoir de panégyrique.  Nous pouvons nous en demander la raison.  Faire le panégyrique d’une personne décédée en rappelant toute une série de souvenirs élogieux est une agréable coutume.  Cela fait, semble-t-il, beaucoup de bien.  Mais l’Église a une raison sérieuse de l’interdire.  La coutume de faire un quelconque panégyrique aux funérailles nous conduit en pratique à une seule conclusion : il est certainement absurde de se donner la peine de prier pour l’âme de qui que ce soit.  La coutume du panégyrique nous dit que toutes les autres prières pour l’âme des défunts au cours d’une cérémonie funèbre sont en réalité une absurde perte de temps.  L’Église interdit les panégyriques parce qu’elle ne veut pas que nous en venions à cette conclusion, et que nous continuions à prier avec une réelle ferveur pour les défunts, le jour de la cérémonie et après.

            La question se pose donc de savoir pourquoi nous devrions prier pour une bonne personne.  La réponse est que plus la personne est bonne, plus nous devrions prier pour elle.  La raison en est que meilleure est la personne, plus sa conscience est vive et sensible, et plus elle ressent le besoin de réparation, d’une véritable expiation même pour ses péchés véniels.  Et cela, nous le voyons nous-mêmes, car nous avons tous rencontré (ce fut mon cas) des gens que nous savons être des saints, des personnes infiniment meilleures que nous ne le sommes, et qui nous disent, « Priez pour moi ».  On les regarde pour savoir si elles plaisantent ou non.  Loin de là. Pourquoi ?  Parce qu’elles sont suprêmement conscientes de leur propre besoin d’expiation aux yeux de Dieu.

            Prenons deux cas : l’un est un voleur qui commet des hold-up et l’autre est un saint dont les seuls péchés au cours deux dernières semaines ont été de s’exprimer sans avoir été parfait dans le choix de ses mots.  D’une manière générale, lequel des deux, selon vous, aura le plus grand désir de se repentir, de s’excuser, de faire réputation de quelque façon ? D’une manière générale, ce sera le saint, et de loin.  C’est lui qui ressentira le plus le besoin de pardon de la part de Dieu et de son prochain.  Son besoin d’expiation sera plus grand que celui du voleur de banque dont la conscience est souvent totalement morte.  C’est pourquoi l’Église et la bonne personne nous demandent toutes deux de ne pas perdre notre temps à concocter des panégyriques, mais de nous activer dans la prière.

            L’Église nous demande également à cette occasion de prendre le temps non pas de composer un panégyrique mais de méditer sur l’espérance, une espérance chrétienne.  L’espérance, l’espérance chrétienne véritable, est fondée sur la notion exacte d’un trésor, un trésor véritable.  Le monde nous présente toutes sortes de fausses idées de trésor : la santé, des polices d’assurance, une position sociale, la puissance ;  mais rien de cela n’est un trésor aux yeux de Dieu.  Le véritable trésor s’amasse par une existence de repentir et de foi, une vie consacrée à la poursuite de la sainteté de Dieu.

            Le monde persécute tous ceux qui s’efforcent de constituer leur trésor en Dieu.  Cela est vrai depuis le commencement.  Saint Paul enseigne : « Oui, tous ceux qui veulent vivre dans le Christ avec piété seront persécutés » (2 Timothée 3.12).  Et le Christ nous dit la même chose : « Le monde ne peut pas vous haïr ; mais moi, il me hait, parce que je témoigne que ses œuvres sont mauvaises »  (Jean 7.7).

            On a tourné beaucoup de films sur la persécution des premiers chrétiens au temps de l’empereur païen Néron au premier siècle. Les chrétiens étaient enfermés dans des caves avant d’être livrés en pâture aux bêtes sauvages dans une arène. Ce que ces films, sans le savoir, ne montrent pas clairement, c’est pourquoi on persécutait les chrétiens et la raison pour laquelle ils servaient de boucs émissaires.  Ce n’était pas simplement à cause du nom qu’ils portaient. Il n’y a rien en soi dans le nom de chrétien ou dans celui de Christ qui soit capable de susciter une telle rage chez les païens.  Ce n’était même pas leur croyance en Dieu, en un seul Dieu. D’autres groupes de païens à Rome croyaient aussi en un dieu unique et n’étaient pas persécutés. 

            Ce qui provoquaient la haine des païens envers les chrétiens était leur soif de sainteté, leur désir de se conformer à la loi morale universelle de Dieu.  Les païens savaient que c’était cela être chrétien, et qu’eux-mêmes, les païens, refusaient de devenir chrétiens et de se repentir pour leurs péchés, ou leurs orgies. Mais ils savaient bien qu’ils avaient tort et que ce sont les chrétiens qui avaient raison.  À cause de cela, à cause de leur envie, une envie de sainteté, les païens pourchassaient tous les chrétiens qu’ils pouvaient trouver pour les faire mourir.  Ils leur faisaient subir la mort la plus avilissante possible.  Ils s’épuisaient à chercher de nouvelles manières humiliantes de mettre à mort les chrétiens.  Les films ne nous montrent habituellement que des chrétiens jetés en pâture aux lions parce que c’était la façon la plus gentille.  Les autres moyens employés pour tuer ces martyrs ne sont pas montrables.

            Il en a toujours été ainsi.  Ceux qui suivent la sainteté du Christ sont persécutés. Nous avons la chance dans notre pays d’avoir la liberté de religion.  On ne met pas à mort un grand nombre de chrétiens.  Les fondateurs de notre pays étaient eux-mêmes des hommes honorables et honnêtes et ils ont fondé un pays qui respectait l’honnêteté.

            Mais la persécution demeure sous d’autres formes. Les médias séculiers poursuivent non pas la tradition des fondateurs mais celle de ceux qui haïssent la sainteté. Ils nous persécutent sans nous mettre à mort.

            Un premier exemple : les médias séculiers nous font voir habituellement avec bienveillance, à l’époque de Noël, ceux qui se rendent à l’église, mais quand il s’agit de montrer des gens régulièrement religieux qui vont sans faute à la Messe tous les dimanches, les médias modifient leur présentation.  Les gens qui vont à la Messe tous les dimanches, qui observent le Troisième commandement, sont présentés en des termes peu flatteurs.  Les médias nous donnent régulièrement l’impression que ces gens ne sont pas terriblement brillants, ou que ce sont des gens à qui il manque quelque chose, des vaincus, des perdants qui vont à l’église demander à Dieu un meilleur travail ou des biens matériels quelconques.  C’est absolument faux.  Nous allons à l’église chaque dimanche pour remplir notre obligation de vénérer le Seigneur et d’apprendre à connaître Dieu et sa loi.

            Un deuxième moyen employé par les médias pour persécuter ceux qui ont soif de sainteté, c’est la façon habituelle de parler du mariage.  L’époux ou l’épouse qui demeurent toute leur vie absolument fidèles l’un à l’autre ne sont généralement pas présentés dans les médias sous un jour noble et honorable, mais comme une sorte de sous-humanité.  On donne l’impression qu’il manque quelque chose à cet époux ou à cette épouse.

            On pourrait donner bien d’autres exemples. La recherche du trésor, du trésor de Dieu – la sainteté et la foi – est cruciale en ce monde, et le monde s’efforce de rendre cette poursuite aussi difficile que possible.  Mais c’est alors, mieux encore peut-être qu’à tout autre moment, qu’apparaît le plus clairement la différence entre le trésor de Dieu et le trésor du monde, et que nous voyons le mieux à quel point est insensée la poursuite d’un trésor terrestre qui demande le sacrifice d’une part quelconque du trésor divin.  Renouvelons avec une ardeur toute spéciale notre engagement envers le fondement de l’espérance chrétienne par la continuation de la poursuite, une poursuite active de la sainteté, de l’observance de la loi de Dieu.


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